HÉLIANTHUS 
AVOCAT
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Les exploits de Saint Yves

Le croustillant récit qui suit est extrait des « Lettres sur la Profession d’Avocat » d’Armand-Gaston CAMUS, tome I, 4ème édition de M. Dupin, Paris, 1818. Je me suis permis quelques rajeunissements du texte.
 
Parenthèse historique :
 
Armand-Gaston CAMUS, jurisconsulte et homme politique français (Paris 1740-Montmorency 1804, département de Seine-et-Oise), fils d’un Procureur au Parlement de Paris, jouissant de solides appuis dans la société d’Ancien Régime (notamment filleul du Cardinal Armand-Gaston de Rohan), catholique et janséniste, il embrasse la profession d’Avocat à laquelle il se destine tôt, auteur d’un ouvrage classique intitulé : « Des règles pour former un avocat », savant canoniste, avocat du clergé au Parlement de Paris sous l’Ancien Régime, s'oppose à MAUPEOU dans sa réforme judiciaire, ferme son cabinet et se retire à Auteuil pour traduire le Traité des Animaux d'Aristote, ce qui lui vaut un fauteuil à l'Académie des inscriptions et belles lettres. Il est membre de la Société des Amis de la Constitution et participe au travaux du Club Breton, élu député du Tiers aux Etats Généraux de 1789, prête serment au Jeu de paume, constituant, il n'est pas député de la Légisaltive, Président pour un temps de la Constituante, fait supprimer les titres de noblesse et ordres de chevalerie, il contribue à l’élaboration de la Constitution civile du clergé en 1790 avec Lanjuinais, participe à de nombreux débats parlementaires avec rigueur et autorité, fonde des Archives Nationales. Député de la Convention, il fait partie de la commission chargée d'enquêter sur la trahison de Dumouriez après les défaites de Neerwinden et de Louvain (18 mars et 21 mars 1793) lequel fait, avant de passer à l'ennemi, remettre aux Autrichiens pour sûreté de la vie de la Reine et du Dauphin, la délégation des commissaires de la Convention dont CAMUS fait partie. Aux termes de nombreux mois de captivité, il est échangé contre Madame Royale (1795), fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette qui devient par la suite de son mariage duchesse d'Angoulême. CAMUS fut aussi, Garde des Archives Nationales, membre et Président pour un temps du Conseil des Cinq Cents, membre de l’Institut et auteurs de diverses « Lettres sur la Profession d’Avocat » qui restent mémorables, augmentée d'une "Bibliothèque des Livres de droit qu'il est le plus utile d'acquérir et de connaître". Il refuse le portefeuille de la Police et des Finances pendant le Directoire n'étant pas dévoré pas de folles ambitions et par le pouvoir de l'argent. Le rapport biographique de synthèse le plus précis se trouve sur le site de l'Assemblée Nationale
http://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche/%28num_dept%29/12243 et sur Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Armand-Gaston_Camus, on note par recollement une discordance sur le lieu de mort d'Armand-Gaston CAMUS dont le corps repose au Père Lachaise. 
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Il me semble, dis-je, que c’est assez parlé de nos duels ; je vous prie, revenons à nos avocats qui est ce qui nous a ici assemblé. Je le veux dit M. Pasquier et passerai à ceux du temps des enfants de Philippe le Bel, Louis Hutin, Philippe le Long et Charles le Bel _ Oublierez-vous dis-je, le Patron des Avocats, qui vivait du temps de Philippe le Bel ?_Lequel dit M. Pasquier : Monsieur Yves de Kermartin lequel fut si grand et si saint personnage qu’il fut canonisé, et surnommé Saint Yves _ Il n’était pas des nôtres dit M. Pasquier : un Breton_ Si peut-il, dis-je, être mis au nombre de nos Avocats ; car encore qu’il fut official et archidiacre de Rennes, et depuis de Tréguier, il ne cessa pas d’exercer par charité l’état d’Avocat, pour les veuves et orphelins et autres personnes misérables, non seulement en Cour  d’Eglise et autres de Bretagne, mais aussi au baillage du Parlement de Paris, poursuivant leurs procès même jusqu’à la Cour, ainsi qu’il est récité au deuxième livre du « Miroir historial ou Rosier des guerres », jadis composé pour le Roi Louis XI où il se lit une histoire notable qui a été oubliée dans la vie ou légende de ce Saint, du tout semblable à ce que Valere Maxime rapporte de Démosthène, disant que deux galants ayant déposé une somme d’argent entre les mains d’une pauvre femme, à la charge de ne la rendre qu’à eux deux ensemble ; quelques temps après l’un d’eux s’étant présenté à elle avec une mine si triste, feignit si bien que son compagnon était mort, qu’elle se laissa persuader de lui rendre la somme toute entière.

Toutefois l’autre survint depuis ; et s’adressant à elle, lui redemanda pareillement ce dépôt de sorte que cette pauvre femme se voyant également empêchée à se résoudre comment elle pourrait trouver de l’argent, ou se défendre en justice, était sur le point de sombrer de désespoir et de se défaire.

Mais cet Orateur ayant embrassé sa cause, la tira de peine en déclarant pour elle, qu’elle était prête à s’acquitter de ce dont elle s’était chargée envers lui, pourvu que, selon ce qu’il reconnaissait lui-même avoir été convenu entre eux, il amena son compagnon. Ainsi cette histoire rapporte que deux hommes qui étaient arrivés ensemble à une hôtellerie de la ville de Tours, ayant confié une bourse à l’hôtesse qui était une veuve et lui ayant recommandé de la rendre qu’à eux deux ensemble, cinq ou six jours après l’un d’eux prétextant d’un payement qu’ils avaient tous deux à faire dans la ville.

L’hôtesse ne se souvenant plus ou ne pensant pas à ce qui avait été dit, ne fit aucune difficulté à lui rendre et celui-ci l’ayant tout de suite emportée ne retourna plus au logis. Cependant l’autre s’y rendait le soir même et n’y trouvant point son compagnon il s’enquit de l’hôtesse où il était. L’hôtesse lui répondu ingénument qu’elle ne l’avait plus revu depuis qu’elle lui avait remis la bourse. Alors cet homme feignant de s’étonner, s’écria qu’il était perdu et qu’il y avait dans cette bourse une grande somme d’argent. Puis se tournant vers elle, il lui reprocha que c’était au mépris de ce qui avait été convenu, qu’elle l’avait remise entre les mains de l’un en l’absence de l’autre et lui déclara qu’il se pourvoirai en justice contre elle. Et de fait, il la fit assigner devant le Bailly de Touraine, à ce qu’elle eut à lui rendre ce dépôt : et elle ayant comparu sur l’assignation demeura ingénument d’accord de tout ce qui s’était passé. Sur quoi, il affirma qu’il y avait dans cette bourse cent pièces d’or outre plusieurs cédules et papiers d’importance de sorte que cette pauvre veuve était sur le point d’être condamnée.

Mais le bon Saint Yves étant survenu fort à propos la délivra de cette peine par un expédient non moins certain que prompt dont il s’avisa. Car après qu’il se fut instruit de l’affaire, il lui conseilla de prétendre qu’elle avait retrouvé la bourse et qu’elle était prête à la représenter, mais qu’aux termes de la reconnaissance du demandeur, il était obligé de faire comparaître son compagnon, afin qu’elle la pu rendre à eux deux, ce que le juge considéra raisonnable et ordonna. A quoi le demandeur n’ayant voulu ou pu satisfaire, non seulement la bonne veuve fut exonérée de responsabilité, mais aussi il apparut que les deux déposants étaient complices d’une collusion qui visait la ruine de l’hôtesse, le demandeur en fut puni extraordinairement.
 
Quoique l’hôtesse n’eût pas été finaude, le fripon fut confondu et la justice rendue.

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