HÉLIANTHUS 
SOCIETE D'AVOCAT
 



HONORAIRE AU RESULTAT ET REVOCATION DE MANDAT

Voici une analyse approfondie concernant la révocation du mandat de l'avocat par son client juste avant la fin du dossier, le droit à l'honoraire de résultat, et les obligations déontologiques du confrère qui lui succède, en s'appuyant sur les règles, les usages et la jurisprudence de la Cour de cassation.

 

Principe : La Révocation Tardive et le Droit à l'Honoraire de Résultat

 

En droit français, le client a le droit de révoquer son avocat à tout moment, sans avoir à fournir de motif. C'est le principe de la libre révocabilité du mandat ad litem. Cependant, cette révocation ne doit pas priver l'avocat de la juste rémunération pour le travail accompli.

La question se complexifie lorsqu'un honoraire de résultat a été convenu. Cet honoraire n'est dû que si le résultat escompté (gain du procès, transaction favorable, etc.) est atteint. Une révocation juste avant l'obtention de ce résultat peut apparaître comme une tentative de la part du client de se soustraire au paiement de cette partie de la rémunération.

La jurisprudence a fermement établi que la révocation du mandat, même intervenue avant la fin du dossier, ne prive pas l'avocat de son droit à l'honoraire de résultat si les diligences qu'il a accomplies sont la cause déterminante de la solution favorable du litige.


 

Jurisprudence Clé de la Cour de Cassation

 

La Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts fondateurs sur ce sujet, protégeant les droits de l'avocat dessaisi.

  • Arrêt de principe (Civ. 2e, 12 mai 2011, n° 10-17.653) : La Cour a jugé que "le dessaisissement de l'avocat par son client ne le prive pas de son droit aux honoraires qui lui sont dus, y compris de l'honoraire de résultat stipulé dans la convention, dès lors que le résultat est procuré au client après le dessaisissement, par le travail de cet avocat".

  • Critère du lien de causalité (Civ. 2e, 4 novembre 2004, n° 02-20.180) : L'essentiel est de démontrer que les actes, les conseils, et la stratégie mis en place par le premier avocat ont été l'élément décisif dans l'obtention du résultat final. Même si le successeur finalise le dossier, si la solution était déjà en grande partie acquise grâce au travail du premier avocat, l'honoraire de résultat reste dû.

  • Révocation fautive (Civ. 2e, 14 janvier 2016, n° 14-29.381) : La jurisprudence considère qu'une révocation tardive, sans motif légitime et dans le seul but d'éluder le paiement de l'honoraire de résultat, peut être qualifiée de fautive. Dans ce cas, l'avocat peut non seulement réclamer son honoraire de résultat, mais aussi d'éventuels dommages et intérêts pour le préjudice subi.

En pratique, pour déterminer si l'honoraire de résultat est dû, le juge (le Bâtonnier en première instance, puis le premier président de la Cour d'appel) examinera l'ensemble des diligences effectuées :

  • La rédaction des écritures décisives (assignation, conclusions).

  • La conduite des négociations qui ont mené à une transaction.

  • La mise en état du dossier et la préparation de l'audience de plaidoirie.

Si ces éléments ont directement conduit à la décision favorable ou à la transaction signée après la révocation, le droit à l'honoraire est généralement reconnu, parfois au prorata du travail accompli si le successeur a également eu un rôle significatif.


 

Obligations Déontologiques du Confrère Successeur

 

La succession d'avocats est encadrée par des règles déontologiques strictes, visant à assurer une transition saine et à préserver les intérêts de toutes les parties. Ces règles sont principalement issues du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d'avocat.

Article 9.1 du RIN - Devoirs de l'avocat successeur :

L'avocat qui succède à un confrère ne peut accepter le dossier qu'après s'être conformé à certaines obligations.

  1. Devoir d'information : Avant toute diligence, il doit informer par écrit son confrère qu'il est pressenti pour lui succéder. C'est un devoir de courtoisie et de confraternité essentiel.

  2. Vérification du paiement des honoraires : L'avocat successeur a l'obligation de s'efforcer d'obtenir de son client la justification du paiement des honoraires dus à son prédécesseur. Il ne s'agit pas d'une obligation de résultat, mais d'une obligation de moyens renforcée. Il doit conseiller à son client de régler les sommes dues.

  3. Solidarité de paiement (dans certains cas) : S'il ne respecte pas ces obligations, l'avocat successeur peut voir sa responsabilité engagée, notamment sur le plan déontologique. Dans les cas les plus graves, et bien que ce ne soit pas automatique, une action en responsabilité pourrait être envisagée par le premier avocat s'il démontre une faute du successeur ayant contribué à son préjudice (non-paiement des honoraires).

  4. Saisine du Bâtonnier : En cas de difficulté, et notamment si le client conteste les honoraires du premier avocat, le nouvel avocat doit inviter son client à saisir le Bâtonnier pour une procédure de taxation d'honoraires. Il doit également informer son prédécesseur de cette démarche.

Usages et bonnes pratiques :

Au-delà du texte, les usages veulent que le nouvel avocat contacte directement son prédécesseur pour évoquer la situation, s'enquérir de l'état du dossier et des éventuelles difficultés relatives aux honoraires. Cette communication directe permet souvent de prévenir les litiges.

En résumé, le confrère qui reprend le dossier n'est pas un simple prestataire de service pour son client. Il a un devoir de loyauté et de confraternité envers l'avocat dessaisi. Il doit s'assurer que la transition ne se fait pas au détriment des droits légitimes de son prédécesseur. Le non-respect de ces règles peut entraîner des sanctions disciplinaires ordonnées par le Conseil de l'Ordre.

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