Le mariage in extremis, prévu à l’article 75 du Code civil, permet à deux personnes de se marier sans respecter les délais habituels lorsqu’un des futurs époux est en péril imminent de mort : l’officier d’état civil peut célébrer l’union sur place, au domicile ou à l’hôpital, sans publication préalable des bans.
1. Fondements légaux et définitions
Chaque époux conserve sa loi personnelle pour les droits indisponibles : pour un Français, c’est le Code civil.
- Article 75 alinéa 2 : dispense de bans et déplacement de l’officier d’état civil en cas de péril imminent de mort de l’un des époux.
- Article 74 et 165 : lieu de célébration (domicile ou hôpital) sans condition de domicile ou de résidence établie pour le mariage in extremis.
- Article 146 : consentement libre, éclairé et non vicié constitue la condition de validité du mariage.
- Articles 212, 213, 214, 215 et 371-1 du Code civil : lecture obligatoire lors de la cérémonie pour rappeler droits et devoirs des époux.
2. Conditions et formalités
- Certificat médical attestant du péril imminent de mort de l’un des futurs époux.
- Pièces d’identité des deux futurs époux.
- Extrait d’acte de naissance (la mairie peut s’en charger pour gagner du temps).
- Deux témoins minimum (quatre au maximum).
2.1. Mariage in extremis
L’officier d’état civil peut célébrer immédiatement, sans autorisation du procureur de la République ni publication des bans, puis justifier rapidement le recours à cette procédure exceptionnelle.
2.2. Mariage en cas d’empêchement grave
L’article 75 prévoit aussi le mariage « pour empêchement grave » lorsque l’un des époux ne peut se rendre au lieu habituel : l’officier se déplace mais le délai de publication des bans (minimum 10 jours) reste applicable et nécessite l’autorisation préalable du procureur pour toute dispense de bans.
3. Régime juridique
- Dispense de publication des bans et célébration hors mairie pour le mariage in extremis.
- Maintien des conditions de capacité et de consentement (erreur, dol, violence : articles 146 et 180).
- Lecture des articles du Code civil rappelant obligations et droits mutuels.
- Formalisation immédiate de l’acte de mariage et enregistrement dans les registres de l’état civil.
4. Effets du mariage in extremis
- Le conjoint survivant bénéficie automatiquement des droits successoraux et peut prétendre à la réserve héréditaire prévue par les articles 757 et suivants du Code civil.
- Possibilité de changement de nom de famille selon l’article 264 du Code civil.
- Transfert automatique du bail d’habitation au profit du conjoint marié (article 1730 du Code civil) ou droit temporaire de jouissance en cas de propriété unique du logement.
- Protection sociale et droits à pension de réversion selon le régime de sécurité sociale.
5. Avantages et inconvénients
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Avantages
- Protection juridique et financière du conjoint survivant.
- Respect de la volonté des époux même en fin de vie.
- Effets sur le nom, la succession et le logement immédiatement acquis.
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Inconvénients
- Risque de contestation du consentement en cas de doute sur la lucidité du mourant.
- Complexité dans l’organisation express et mobilisation rapide des services municipaux et médicaux.
- Possibilité d’abus ou de motivations patrimoniales, nécessitant un contrôle strict du consentement.
6. Principales décisions jurisprudentielles
6.1. Arrêts fondateurs
- Cass. civ. 1re, 22 janvier 1968, n° 66-12.308 : la Cour accepte la manifestation non verbale du consentement d’un mourant comme expression d’une volonté matrimoniale véritable ; l’absence de parole n’exclut pas la validité du consentement en péril imminent de mort.
6.2. Consentement via signes
- Cass. civ. 1re, 31 janvier 2006, n° 02-19.398 : l’officier d’état civil peut prendre en compte des signes (écriture, clignements) pour attester du consentement libre et éclairé du mourant lors du mariage in extremis.
6.3. Loi applicable au consentement
- Cass. civ., 25 mai 2016, n° 15-14.666 : confirmation que, même entre conjoints de nationalités différentes, les conditions de fond du mariage in extremis relèvent de la loi personnelle de chacun (pour un Français, le Code civil) et non du droit étranger ; violation corrigée de l’article 3 du Code civil dans l’arrêt de la cour d’appel erronée.
6.4. Validation récente du consentement
- CA, Toulouse, 1re ch. 2e sect., 1er juin 2023 : appréciation minutieuse des témoignages et des éléments médicaux pour confirmer la sincérité de la volonté de se marier d’un mourant, malgré une vie commune brève et des médicaments puissants ; rejet d’une annulation fondée sur l’absence de consentement ou motivations patrimoniales illégitimes.
À titre complémentaire, la Cour de cassation sanctionne l’abus de l’action en nullité par réparation pour atteinte à l’honneur et à la dignité du conjoint survivant lorsque des contestations malveillantes du mariage in extremis sont formées à des fins purement patrimoniales.